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Le Sakifo : 7km790 de musique

Voilà bien une semaine que le Sakifo 2013 est terminé. Le festival de La Réunion a fêté ses 10 ans en beauté. Six scènes, 50 artistes, plus de 70 concerts, du 7 au 9 juin 2013, le Sakifo a offert une programmation complète pour satisfaire tous les goûts.

Affiche du Sakifo 2013 - festival de musiques de La Réunion
Affiche du Sakifo 2013 (source : Facebook Sakifo)

C’était le dimanche à 18h15 sur la scène Salahin. Les musiciens sont arrivés et ont commencé à jouer. Lui, il s’est avancé nonchalamment avec un sacré charisme. Oxmo Puccino est un patron. Comment est-ce possible de foutre le bordel avec autant de classe ? Une parfaite maîtrise de la scène et de son public. On a cherché Billie, mais elle n’était pas au Sakifo. Il m’a surpris avec son « quart d’heure américain » : quinze minutes pendant lesquels le Black Popaye adapte quatre des ses chansons sur les musiques de quatre standards de hip-hop américain – Masterciel sur Still Dre de Dr. Dre et Snopp Dogg, L’Équilibre sur Lose Yourself d’Eminmen, Un flingue et des roses sur In Da Club de 50 Cent et Hé Ouais sur Bad Boys for Life de P. Diddy. Magique !
Même quand la musique s’arrête, les mots d’Oxmo Puccino toujours plein de poésie, nous accrochent comme les bons rythmes de ses chansons.
J’étais arrivé à l’heure pour assister à ce concert. Dans ce genre de festival, on voit le début d’un concert et on bouge pour aller voir la fin d’un autre. Là, impossible de décoller de Salahin une fois qu’Oxmo Puccino avait commencé le show.

J’aurais pu arriver à l’heure pour le concert de Sophie Hunger aussi, le samedi. Mais dans les festivals, il faut toujours retrouver un ami, acheter une bière et quand l’équipe est enfin réunie, il faut encore décider si on va vraiment voir le concert décidé deux heures plus tôt.
Sophie Hunger, donc, a été une confirmation. J’avais offert une oreille distraite à quelques-unes de ses chansons et je savais que c’était bon. Mais là, de la voir sur scène… Il y a elle qui a une magnifique présence. Et ses musiciens qui sont en osmose parfaite pour nous emporter dans cette effervescence mélodieuse divinement agréable.
J’ai aimé le léger accent suisse-allemand de Sophie Hunger lorsqu’elle s’adressait au public. D’ailleurs, elle interprète quelques chansons en allemand. Et je défie quiconque de dire que cette langue est moche après avoir vu Sophie Hunger en concert.

Et moi j’ai arrêté de dire que je n’aime pas l’espagnol depuis que j’ai vu Lo’Jo au Sakifo. Des langues étrangères, on en a entendues à ce concert du vendredi soir. Il y avait même du créole avec la présence de Menwar. Le chanteur mauricien interprète Zetwal sur l’album Cinema El Mundo sorti en 2012. Le Sakifo 2013 a été la première occasion pour Menwar et Lo’Jo d’interpréter cette chanson, enfin ensemble, en live.
Ce concert a été une expérience inoubliable. Denis Péan est un poète dont la voix porte merveilleusement bien ses mots, les musiciens impeccables créent une ambiance émouvante et les sœurs El Mourid nous envoutent avec leurs voix extraordinaires. Un mélange parfait.

Les autres
Vendredi. Avant de rejoindre Lo’Jo pour interpréter Zetwal, Menwar donnait un concert avec son trio Trwa 5 Sous au Salon Bal. Accompagné par Christophe Arles à la guitare électrique et Kerwin Castel aux percussions, Menwar joue la sanza, la maravanne (kayamb), le dzendze ya shitsuva mahorais et de la guitare. Malgré quelques cheveux blancs, il était toujours aussi agile pour faire ses sauts de chat qui animent le public.
Je ne connaissais pas Phil Cohran, le trompettiste de Sun Ra, mais j’ai découvert ses huit fils. Quatre trompettistes, deux trombonistes, un tubiste, un soubassophoniste et accompagné par un batteur, le Hypnotic Brass Ensemble était le dernier groupe programmé du vendredi pour réchauffer la fin de soirée. Parfois Tarik Graves et Uttama Hubert posaient leurs instruments pour rapper et arrivaient à redonner un peu d’énergie au public épuisé.

Samedi. Nova Heart a été une magnifique découverte. Ce groupe chinois qui définie sa musique de « China Witch Disco » a offert un moment de grand délire musical au Stage on The Beach. Délirant oui, mais musicalement bon aussi. La chanteuse, Helen Feng, complètement allumée a donné des explications à son comportement : « n’ayez pas peur, nous ne sommes pas fous, c’est à cause du rhum qu’on nous a donné ». En fin de concert, elle s’est laissée envahir par deux spectatrices qui sont montées sur la scène pour la tripoter.
Groundation aussi était là. Majestueux. Le message, l’énergie, la qualité. Tout y était.
Et puis il y a eu la déception Hyphen Hyphen. J’avais aimé écouter leurs chansons, mais toute leur mise en scène surfaite a tué la musique. C’est quoi ces maquillages, cette danse de guerriers et surtout, cet accent anglais que prend la chanteuse quand elle s’adresse au public ? Ils sont Niçois ou j’ai mal lu ?

Dimanche. Grâce au Sakifo 2013, j’aurais autre chose à dire que « Tu connais les Cowboys fringants ? » aux Québécois que je vais rencontrer. J’ai découvert Canailles. Cette country folky-bluesy était très désordonnée et manquait de mélodie, mais au moins je ne risque plus de lire dans le regard dédaigneux des francophones du Canada « Fais que… tu ne connais seulement les Cowboys fringants au Québec, maudit niaiseux ? »
Quoique, il y avait aussi Mélissa Laveaux pour représenter le Canada… et Haïti. J’ai aimé son concert où elle invitait les festivaliers, déjà fatigués par 2 jours de concerts, à se bouger dès 17h et où elle a livré une version électrique de Scissors.
Après deux ans à Madagascar, il aura fallu être à La Réunion pour voir Jaojoby, « le roi du Salegy », en concert. J’en suis ravi. Jaojoby considère que les musiciens de salegy de la nouvelle génération sont des « ambiancieurs » qui privilégient le rythme plus que les mélodies. Pourtant le roi n’a rien à envier à ces jeunes. Toujours en forme, la voix bien en place, Jaojoby a donné du goût à ma THB ce dimanche soir.
Enfin, les Belges de BRNS ont assuré ! Je les ai découverts quelques jours plus tôt, je me demandais bien si leur rock sophistiqué pourrait sonner aussi bien en live que sur leur mini-album studio. Et bien oui. Leurs sonorités Sigur Rós / Foals ont donné une intensité aux quelques minutes de leur concert – au rappel ils sont revenus en s’excusant « désolé, mais on a que ça ».

Couverture de l'Azenda pour le programme du Sakifo 2013
Ça devait être un jeu de mots (déjà moyen), mais c’est un beau fail que nous a fait l’Azenda en oubliant un « R » à « Programme » sur la couverture du programme du Sakifo 2013

La fête du slip avec Sophie Hunger
Le jeudi 6 avant le début des trois jours de festival, Manu Chao a donné un concert exceptionnel sur le site du Sakifo. Les quelques fois où j’ai eu à répondre « non, je ne suis pas allé voir Manu Chao » à d’autres festivaliers, j’ai toujours eu les deux mêmes réactions : un froncement de sourcils suivi d’un « mais pourquoi !? » ou un retroussement de lèvres suivi d’un « c’est dommage ». A-t-on le droit de ne pas aimer Manu Chao ?

Le samedi, en fin de soirée, j’ai aperçu Sophie Hunger avec son pianiste-trompettiste-bassiste-arrangeur, Alexis Anerilles, au milieu du site du festival. Parti timidement pour dire « merci et bravo pour le concert », j’ai été invité à rester quelques minutes avec les deux musiciens le temps que nos verres respectifs se vident. Grand moment pour le groupie que je peux être. Ils ont demandé quelques idées d’activités sur La Réunion et on a parlé des expressions allemandes et françaises. Sophie Hunger appelle ses musiciens « schnecke » qui veut dire affectueusement « mes escargots » en allemand et elle trouve que « c’est la fête du slip » est une expression « bizarre »  – pourtant j’ai découvert qu’il existe un festival qui a pour nom cette expression très française dans son pays. Elle a traduit ce que donnerait « la fête du slip » en allemand. J’ai oublié les mots exacts, mais je me souviens que ça sonnait bien dans sa bouche.

Pour son dixième anniversaire, le Sakifo a eu une couverture médiatique importante. Robin Denselow du Guardian, David Hutcheon de Mojo, les Tontons de l’Afrique Enchantée, Laurence Aloir de Musiques du Monde, l’équipe d’Ouvert la Nuit et, bien sûr, no comment étaient là.

Sur trois jours, entre les déplacements aux bars et vers les scènes, j’ai enregistré 7km790 parcourus tout en musique sur le site de la Ravine Blanche.

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Auteur·e

fanuet

Commentaires

Roseline Huet
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Je l'ai attendu,je l'ai Lu! Sakifo! J'ai essayé de parfaire mes connaissances musicales...mais,en route ,je me suis égarée!..donc...je dirai que c'est le plaisir de te lire qui m'a fait parcourir les 7 km790 d'enregistrement....Même le chiffre fétiche y est....tu comprendras l'allusion n'est-ce pas? Il y a bien évidemment aussi le rythme du récit,le mélange de styles pour les différents moments du spectacle ,sans oublier l'incontournable touche d'humour.

Par contre j'ai pû facilement imaginer Menwar sautillant sur scène....

Bravo Stef