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Tempêtes dans la cuvette

En quelques heures, j’ai découvert trois nouvelles facettes de Katmandou : il peut y avoir des ouragans, le patriotisme sportif permet d’attendre l’inespéré et n’importe qui peut déclencher une grève générale.

C’est un peu avant 18 heures, ce 18 mars, que tout commence. Alors que je me la joue guide touristique pour Les P’tits Gars Laids (à l’affiche de la Semaine de la Francophonie), Katmandou et Patan (Lalitpur) sont frappées par une tempête de vent. Toute la poussière du frissonnant Durbar Square de Patan se lève. Nous sommes aveuglés. Les parasols sur le toit du Café du Temple s’envolent. Petit moment (qui dure tout de même plus de cinq minutes) d’agitation sur la place où les vendeurs protègent leurs articles souvenirs et rangent leurs étales. Après ça, l’orage gronde, accompagné de quelques éclairs.
D’après le site Internet de l’Himalayan Times, le Tribhuvan International Airport de Katmandou a été fermé à 18 heures à cause d’une tempête de poussière – ce qui a retardé l’atterrissage de deux avions qui arrivaient au Népal.

18 mars 2014 - Le vent se lève entre les temples du Durbar Square de Patan © S.H
18 mars 2014 – Le vent se lève entre les temples du Durbar Square de Patan © S.H

Une heure plus tard, sur cette même place, on entend des cris très virils. À l’entrée sud du Durbar Square, quelques patriotes (y compris des filles) attendent la projection du match Népal-Bangladesh. Pour la première fois de son histoire, l’équipe de cricket du Népal est qualifiée pour l’ICC World T20, la Coupe du monde de cricket. Cette année, elle a lieu au Bangladesh. On a forcément envie de rester là pour encourager notre terre d’adoption l’instant d’un match d’un sport qu’on ne comprend pas du tout.
Je pose des questions – entre chacune d’elles, des cris s’élèvent dans la foule – et je m’aperçois que personne ne sait réellement où sera projeté le match. Peut-être sur une bâche bleue posée sur un échafaudage. Ou alors sur un monument du Durbar Square – il paraît que le premier match du Népal dans la compétition (victoire contre Hong-Kong par 80 runs) y avait été projeté. « Il cherche la chaîne », me dit-on aussi. Mais qui ? Haussement d’épaules. Beaucoup ne sont même pas sûrs qu’il sera projeté – ils ont simplement suivi la foule. Ne voyant ni télé, ni vidéoprojecteur, je fais partie des sceptiques.
Le match devait commencer à 19 h 30. On part du Durbar Square à 19 h 35 et toujours pas de projection, mais la petite foule continue de crier comme pour appeler le vidéoprojecteur.

18 mars 2014 - Foule sur le Durbar Square de Patan en attente de la projection du match de cricket Nepal-Bangladesh © S.H
18 mars 2014 – Foule sur le Durbar Square de Patan en attente de la projection du match de cricket Népal-Bangladesh © S.H

Après une bonne soirée musicale inédite, de violentes rafales me réveillent à 3 h 40 du matin. Il pleut, l’orage est revenu et des éclairs impressionnants fissurent la nuit noire. Les fenêtres vibrent et on entend des feuilles de tôles qui s’envolent. Dans la petite rue devant chez moi, des gens vont travailler ou rentrent chez eux. Évidemment, j’essaie de prendre des photos ou de filmer. Évidemment, je n’en tire rien de bon pendant ces 30 minutes à attendre l’éclair parfait.
Résultat constaté au lever du soleil : quelques pots de fleurs écrasés sur la terrasse et des chaussettes qui séchaient sur le toit sont allées rejoindre « l’univers parallèle où sont catapultés tous les côtés des chaussettes qui se perdent dans les machines à laver » et où se trouve probablement le MH370 (dédicace à Anielle).

19 mars 2014 - Cadeau de la tempête découvert aux petites heures du matin © S.H
19 mars 2014 – Cadeau de la tempête découvert aux petites heures du matin © S.H

Sur Twitter, Jitendra Raut, le journaliste de la BBC Nepali évoque la présence d’un « autre ouragan à Katmandou ». Ouragan ? À Katmandou ? En cherchant un peu sur Internet, j’ai trouvé, qu’effectivement, il y avait déjà eu ce que la presse népalaise appelle des « ouragans ».

Ce matin du 19 mars, Katmandou et Patan sont calmes. Très peu de klaxons et les montagnes sont visibles. Encore un bandh. Cette fois, ce sont des étudiants qui protestent contre la hausse du prix du carburant. Le bandh n’est donc pas une institution maoïste, mais tout le monde peut réellement en déclarer un au Népal. Je pensais que ces étudiants seraient moins vindicatifs que les parties d’extrême gauche. Pourtant les journaux rapportent quelques incidents : une moto incendiée à Sankhamul, un bus flambé à Old Bus Park.

Malheureusement, la tempête que j’attendais n’a pas eu lieu : les cris de joie de Népalais pour célébrer la deuxième victoire de leur pays au ICC World T20. Le pays hôte a remporté le match par 8 wickets.
Bon, même si je ne comprends vraiment rien à ces termes, je croise les doigts pour que les Gurkhas, emmenés par Shakti Gauchan, remportent leur troisième match du groupe A contre l’Afghanistan ce 21 mars.

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* Katmandou étant dans une vallée, on dit souvent que c’est cuvette (comme Grenoble en France).

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Auteur·e

fanuet

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