Deuxième fête la plus importante au Népal, Tihar a été célébré du 1er au 5 novembre 2013 avec pétards, chants traditionnels et guirlandes lumineuses. Les descriptions sur cette fête peuvent varier selon les guides touristiques et les Népalais eux-mêmes. Voici l’expérience d’un Bideshi.
Treizième jour de la lune décroissante en octobre. Quelques habitants de la vallée de Katmandou bouillonnent ce vendredi 1er novembre 2013. C’est le début de Tihar. Le pays s’apprête à célébrer, entre autres, Laxmi, la déesse de la richesse et de la prospérité pendant cinq jours – pas très long à comparer aux quinze jours du Dashain.
Dès le premier jour de fête, des guirlandes lumineuses ont été installées dans les rues et sur les maisons. Je ne le sais pas encore, mais aujourd’hui c’est « Kag Tihar », le jour des corbeaux.
Le lendemain, on s’aperçoit que beaucoup de chiens errants ont un tika sur le front et un collier de fleurs autour du cou. Une fantaisie des Népalais dans l’euphorie de la célébration ? Non.
Suresh, un nouvel ami népalais, me donne son explication de Tihar. Le premier jour, on vénère les corbeaux – on offre de la nourriture à ces messagers de la mort. Le deuxième jour c’est « Kukur Tihar » ou « Dog Puja » et on honore les chiens qui gardent la porte des enfers ; le chien est aussi le véhicule Bhairav, le dieu de la destruction. Le troisième jour, Laxmi visite toutes les maisons illuminées à l’occasion de « Laxmi Puja » ou « Divali ». Ce même jour, les vaches reçoivent un tika et un collier de fleur autour du cou, comme les chiens la veille. Les bœufs ont droit au même cérémonial le quatrième jour. C’est aussi le jour où chaque ethnie célèbre Tihar un peu à sa manière. Enfin, le cinquième et dernier jour lors de « Bhai Tika » ou « Brother Puja », les filles vont faire des offrandes à leurs frères.
Quand je demande à Suresh si le « Sister Puja » existe, il pose ses mains sur mes épaules en me disant « oh non, sorry ».
Évidemment, cette fête me rappelle le pays. Divali est aussi fêté à l’île Maurice. Pour moi, ça n’a jamais été que « la fête des lumières », le soir où ma sœur finissait la bouteille d’huile de tournesol pour allumer toutes ses lumières dans les petits pots en terre. Sinon, le symbole de la lumière qui triomphe sur les ténèbres. Même si les deux pays n’ont pas les mêmes symboliques pour cette fête, c’est assez ironique d’avoir dû aller au Népal pour avoir envie de bien comprendre quelle est la signification de Divali à l’île Maurice.
« Bhai Tika » me renvoie aussi au rakhi (rien à voir avec l’alcool turc), le jour où les sœurs vont remettre un bracelet rouge avec une fleur au bras de leurs frères. Je dois préciser que ma sœur ne faisait pas que brûler l’huile : passionnée par l’hindouisme, elle m’a souvent offert ce petit bracelet.
Chaque jour a sa particularité, mais du début à la fin de Tihar, on voit les mandalas dessinés un peu partout sur les routes, devant les maisons et les commerces. Les pétards n’arrêtent pas non plus de retentir pendant les cinq jours de fête. Souvent dans l’ambiance d’un quartier bruyant, parfois un seul « PAK ! » brise le silence d’une ruelle sombre pour nous surprendre.
Le Nouvel An Newar
Le quatrième jour de Tihar, c’est le Nouvel An Newar que je célèbre. Mahen nous accueille chez lui pour nous expliquer les coutumes de son ethnie pour ce jour particulier : « normalement on va au temple pour vénérer les Dieux, aujourd’hui on va se vénérer soi-même. L’année est passée et on dit félicitations à notre corps ». Cette fête me plaît.
Nous sommes assis sur des coussins l’un à côté de l’autre sur la terrasse de Mahen. Le froid pique un peu, mais on est émerveillé par la procession qui se prépare. Chacun a son mandala en face et un panier contenant des fruits et deux guirlandes de fleurs. Rasini, l’épouse de Mahen appose un tika sur le front de chaque invité avant de lui poser des fleurs sur la tête. Vient ensuite l’offrande : un œuf bouilli, un bara, un poisson grillé et une coupelle de raksi, l’alcool de riz.
Avec Mahen, nous sommes que des Bideshis (« étrangers » en népali) à recevoir ces offrandes : cinq Japonais, une Française et un Mauricien. À part deux invitées qui ne sont pas Népalaises, aucune dame n’est assise avec nous.
La cérémonie terminée, on passe à l’intérieur pour dîner. Dans son salon, notre hôte nous montre des tableaux qu’il a achetés à Montmartre. « Ooohh », s’extasient les invités japonais devant une peinture représentant un chat. Kawaii.
Après l’alccol de riz, on sirote un alcool népalais qui provient d’une herbe particulière qui commence à se faire connaître : le Yarchagumba. « Nhu danya bhintuna », on trinque en se souhaitant une bonne année.
Mahen explique que ce n’est pas comme en Europe où chaque festivité a son plat particulier : « chez les Newars, on mange toujours le même plat pour toutes les fêtes ». Après le riz, les lentilles et le curry, le gulab jamun en dessert me renvoie encore à l’île Maurice. Je comprends enfin qu’il faut que j’arrête de m’exclamer « hey… mais on a le même à la maison » à chaque fois. Ça va arriver très souvent.
Après le repas, on parle de politique avec les élections législatives qui approchent. Passionnant, même si l’histoire du Népal me paraît complexe. « Mystérieux Népal », laisse échapper un invité japonais.
Ce Nouvel An Newar se termine avec un spectacle de jeunes népalais.
Le cinquième jour, le quartier de Dhobighat à Lalitpur est toujours animé. Dans certaines maisons, on entend un adulte qui chante quelques paroles et les plus jeunes complètent en répétant toujours la même phrase. Après les chants traditionnels, les enfants hurlent « heyyy sexy lady », le refrain de Gangnam style.
Commentaires