Olivier Voisin est mort le dimanche 24 février 2013. Après avoir été blessé à la tête et au bras par un éclat d’obus à Alep, en Syrie, le photographe français a subi une opération à l’hôpital international d’Antakya, en Turquie. Il n’a pas survécu.
Selon Reporters Sans Frontières, Olivier Voisin est le 23e journaliste tué en Syrie, depuis le début du conflit en mars 2011.
Je me souviens particulièrement d’une journaliste avant lui : Marie Colvin du Sunday Times, morte en Syrie le 22 février 2012. Elle a reçu les hommages de toute la profession. Elle a été qualifiée de « journaliste intrépide » qui avait de l’« empathie envers les femmes et les enfants touchés par les guerres ».
J’ai en mémoire une photo de la journaliste américaine. Cette posture qui me laisse deviner sa force et son courage ; son cache-œil qu’elle portait depuis 2001 après avoir été blessée par un éclat de grenade au Sri Lanka – un autre signe d’abnégation.
Je me demande souvent qu’est-ce qui pousse un journaliste à se mettre dans des situations risquées. Mis à part les journalistes de terrain, quelques lignes critiquant un gouvernement, un système, une organisation peuvent coûter cher.
Pour Marie Colvin c’est une « mission ». Dans son e-mail à une amie, Olivier Voisin parle d’ « adrénaline ». Le journaliste d’investigation Anas Aremeyaw Anas, lui, prend des risques en infiltrant des milieux mafieux pour dénoncer les injustices.
Je m’interroge : serais-je assez courageux pour affronter des tels risques ? Ça me rappelle une archive de mai 1982 : Jean-Luc Godard interviewé par Philippe Labro au journal télévisé d’Antenne2. Le cinéaste suisse commentant le traitement de l’information à la télévision piège Philippe Labro en lui demandant s’il voudrait être correspondant en Argentine pendant la guerre des Malouines. Le présentateur s’en sort en disant qu’il a eu sa « dose de guerres ».
https://www.youtube.com/watch?v=6hEfQq1GVEc
Pendant les quelques mois que j’ai réellement exercé le métier de journaliste, je me suis senti menacé (le mot est fort pour la banalité de l’événement) qu’une fois. C’était lorsque les élèves d’une école du sud-est de l’île Maurice avaient été intoxiqués. Les parents affolés sur place, voulaient des explications, cherchaient un coupable. J’ai tenté de poser des questions à l’un d’eux. Il a réagi brutalement quand il a su pour quel journal je travaillais.
J’avais 18 ans, c’était la deuxième fois que je mettais le nez hors de la salle de rédaction depuis le début de mon stage. J’avais été aussi impressionné que stimulé par ce comportement. Le photographe qui m’accompagnait m’a demandé de ne plus m’approcher de lui pour que les parents ne sachent qu’on était ensemble. C’est une autre forme de courage.
Quand je suis devant mon clavier pour commenter l’actualité ou pour raconter une anecdote, je me sens petit face à ces courageux journalistes qui vont sur des terrains minés. C’est surtout de l’admiration. Je me demande ce qu’un blogueur peut apporter dans tout ça. Marie Colvin replace les choses : « à l’époque de l’info 24 sur 24, de Twitter et des blogs (…) le reportage de guerre revient au fond toujours à ce même point : quelqu’un doit y aller et voir ce qui se passe ».
Et quand je lis des billets sur le passage de Haruna à Tuléar, la répression au Togo ou les conditions de vie difficiles à Yaoundé, je réalise que les blogueurs apportent une contribution à l’information. Avec humour, ironie ou gravité. En tout cas avec une liberté de ton, nous avons notre rôle à jouer.
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